Israël Palestine
Itinéraire d'une femme remarquable
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C'est l'histoire d'une femme remarquable qui en 1942 cache une juive à Marseille au cœur de la guerre, découvre Israël en pleine construction d'une nouvelle nation en 1967, et après un long cheminement va à 86 ans visiter les camps palestiniens. Témoignage saisissant.
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la vidéo de présentation :
Visionnez en moins de 2 minutes la fabuleuse histoire de Vérène Hédrich
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4 dates importantes
1942 - Vérène cache une jeune juive dans son appartement rue du chalet à Marseille
1957- Vérène rencontre Esther à Genève.
1967 - Vérène fait un voyage de 15 jours en Israël.
2015 - Vérène visite les camps palestiniens.
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L'amitié avec deux femmes :
- Fanny (qui deviendra Esther en Israël).
- Sandra
LE RÉCIT
1942. C'est la guerre. On chante « Maréchal nous voilà » dans la cour du collège. Marseille est en zone libre, mais pas pour longtemps. Seul port encore en activité, la ville attire une multitude de réfugiés. C'est devenu une porte de sortie vers Alger, Londres ou l'Amérique : une porte vers la liberté pour certains.
A Vichy, les lois anti juives ont été promulguées ; le port de l'étoile jaune obligatoire depuis le 6 juin ; la rafle du Vel d'hiv a eu lieu le 17 juillet. Vérène habite seule avec sa mère un petit appartement, propriété de son grand-père, rue du chalet, dans un coin tranquille de Marseille. Un pavillon construit par le grand-père à l'angle de la rue du chalet et de la rue Jean Mermoz flanqué d'un petit jardin. Au rez de chausser loge une famille juive. Mamie, sa grand-mère, occupe le premier étage.
Elle a treize ans. Les tickets de rationnement lui interdisent le lait. Elle attend avec impatience son anniversaire pour pouvoir accéder au nouveau rationnement. La petite ado a fini par s'habituer à cette guerre dont on ne voit pas la fin. Et puis Fanny est arrivée. Un soir elle débarque dans leurs trois pièces. Elle va chambouler leur quotidien. Fanny est juive. Et c'est pour cela qu'elle fuit les allemands. Et comme beaucoup, elle s'est réfugiée à Marseille avec sa famille. Frères, sœurs et parents ont été dispachés dans différents foyers. C'est Mamie, la grand-mère de Vérène qui l'a amenée. Mamie sera nommée sur la liste au Mémorial de la Shoa à Paris (13e sur la liste) au cœur du Marais bien plus tard. Fanny parle beaucoup. Elle raconte son périple pour fuir les menaces et les arrestations ; jusqu'à aujourd'hui où elle s'en est sortie. Pour combien de temps encore ? Nul ne le sait. Son discours n'est pas dramatique. Il est simplement l'expression de multiples miracles qui font qu'elle est encore libre. Elle en parle simplement, naturellement, sans drame, ni grandiloquence. Elle n'est pas extraordinaire. Elle est une fille comme les autres, avec seulement un peu plus de rage de vivre. Et c'est peut-être cela qui la rend plus belle qu'elle n'est. Elle a un visage oblong, des traits courbes et un visage lisse. Elle a de longs cheveux qu'on ne voit pas, mais qu'on devine rassemblés sous un voile qu'elle porte haut au-dessus de son front. Fanny Strauss a dix-sept ans quand elle rentre dans la vie de Vérène. Les deux ignorent encore qu'un réel lien va s'instaurer entre elles deux.
LE SECRET
Dans la cuisine, Fanny passe des heures à parler avant qu'on range les couverts et les assiettes. On ne l'interroge pas. Les mots sortent facilement. Elle est gaie, avenante. Vérène ne sent pas la fille traquée qu'elle pourrait être. Seulement une jeunesse qui s'exprime, un enthousiasme d'un avenir à dessiner. Nous l'écoutons. La table n'est pas débarrassée. Elle a fui l'Allemagne où son père était bijoutier. Elle raconte son long périple. Elle a débarqué dans une ville frontalière. Elle est dans une maison. On annonce l'arrivée des allemands. On nettoie tout. On le fait machinalement. Ça n'a pas vraiment de sens. Un couple veut rebrousser chemin, aller chercher un objet oublié dans la maison quittée trop vite. On ne les reverra plus. Elle raconte cela. Elle ne se sait pas en danger ou elle ne veut pas le voir. Elle n'en montre rien. Elle est pourtant en fuite. Elle n'a fait que fuir, vers un ailleurs. D'Allemagne à Anvers, du nord de la France à Marseille ; sa route est une succession de fuites. Sa vie est une course où elle doit trouver une stabilité, un équilibre. Bientôt elle partira. Vérène ignore si elle le sait. Mais quelque part Fanny doit le percevoir. Elle s'y prépare. Elle s'est habituée. Elle sait que rien n'est sûr, que la guerre est terrible et que la chasse est rude.
Tout cela n'est pas dit. Tout cela n'existe pas quand elle parle dans la cuisine, quand elle rapporte les assiettes vers l'évier. Elle a appris que la vie est incertaine. Elle a appris très jeune que l'inattendu et l'incertain sont des piliers qui jalonnent son chemin. C'est peut-être cela qui fait la force de sa décontraction ; que de la regarder parler et rire dans la cuisine ne montre rien du danger et de la peur, mais exhalent au contraire la joie et le bonheur d'exister. Dans son journal intime à la couverture bleue, Vérène parle des disputes avec une camarde de classe. Vérène n'écrit rien sur Fanny. Elle ne peut pas. C'est interdit. C'est impensable. Officiellement Fanny n'existe pas. Fanny, juive, n'existe pas. Vérène doit se familiariser avec ce secret. Tout voir et ne rien dire. Voir la beauté de cette jeune fille dans la fleur de l'âge et ne rien dire. Voir la légèreté, la joie, la détermination de cette jeune femme et ne pouvoir rien en dire. Vérène apprend le secret à 13 ans. Elle le cultive. Des années après, quand elle fouille son passé. Il n'y a plus de trace, juste la mémoire : des bribes de souvenirs incertains, souvent flous, sans marque tangible.
Elle se souvient de Fanny, de sa force de caractère. Fanny était très pieuse, très ardente. Elle ne loupait pas une prière ou un sabbah.
Dehors, dans les rues de Marseille, on chasse le juif. Quand Vérène marche sur les trottoirs ou quand elle est au collège, elle pense à Fanny. On la croit dans la lune, mais elle est bien ici. Elle ne sait pas trop ce qu'il lui arrive. Elle est naïve ou inconsciente. Elle ne pense pas au danger. Quand elle voit Fanny, cette belle jeune femme faire la vaisselle dans notre cuisine, elle ne pense pas au danger. Elle ne pense pas qu'on pourrait être arrêté, questionné, déporté dans les camps. Elle ne pense pas à ça. Le secret recouvre tout. Le danger aussi. Fanny reste à la maison. Elle aide sa mère à faire le ménage ou prépare les repas. Quand Vérène rentre du collège, elle croise Fanny dans le couloir. Fanny passe la serpillère ou lave le linge
DANS UNE INSTITUTION CATHOLIQUE
Mamie a très vite peur que Fanny s'ennuie. Un jour en fin de journée, elle monte à l'étage. Elle nous dit qu'elle a trouvé une solution : Fanny va aller au lycée voisin. Il existe une institution catholique, rue Mermoz. Tout est organisé. Elle sera inscrite en tant que catholique. Personne ne saura qu'elle est juive. Fanny est réjouie.
Elle débute son enseignement avec beaucoup d'enthousiasme. Mais lors d'un cours de catéchisme, le prêtre qui dirige la classe dit aux élèves à propos d'un texte biblique que les miracles de la bible n'ont plus lieu aujourd'hui. Fanny ne peut rester assise sur sa chaise. Elle se lève, demande à prendre la parole. Elle ne peut pas laisser dire ça, elle, la juive qui est passée à travers tant de menaces. Debout elle interpelle le curé : « On ne peut pas dire ça aujourd'hui. Des miracles il y en a tous les jours ! ». Sa remarque lance un froid dans l'assistance de la classe. Fanny ne pourra rester dans le lycée. Elle est renvoyée le lendemain. Chaque jour est un miracle. Fanny habite la chambre qui donne sur la rue. Fanny Strauss, juive de 17 ans, le sait tous les jours. Et la vie suit son cours. Les allemands gagnent du terrain. Chaque jour on apprend que la zone libre va être supprimée. Marseille n'est pas sûre. On craint pour Fanny. Début novembre, ça y est. Fanny est partie. Les allemands sont à Marseille le 12. Ils pétaradent avec leurs blindés sur la Cannebière. Fanny n'est plus là. Elle est partie en Suisse. Ses parents l'on accompagné en car en Haute Savoie. De là, elle devait rejoindre la Suisse par les bois. Elle devait être recueillie par un centre pour enfants.
UN ONCLE RÉSISTANT
La même année, l'oncle de Vérène, Francis Leenhardt entre dans la clandestinité. Il s'engage dans la résistance en rejoignant le mouvement Sud-Libération. Il prend pour nom Lionel. « Parce que le nom commençait par un L », ajoute Vérène pour explication.
L'homme passe parfois voir sa mère rue du chalet. La gamine de 12 ans voit son oncle corseté dans un costume gris le soir après son travail. Il descend de sa voiture. Il rentre dans l'appartement. Il partage un café ou un apéro avec sa mère. Ils échangent quelques mots dans la cuisine. L'oncle caresse les cheveux de sa nièce, dit des blagues. Elle a de l'admiration pour lui. Francis est son père de substitution. En 1930, à la mort de son propre père terrassé par la tuberculose à 24 ans alors qu'elle n'a que 6 mois, Francis s'est promis de l'accompagner dans la vie. Vérène sait que son oncle est résistant. Elle ne sait pas trop ce que cela veut dire. Elle sait qu'il ne faut rien dire. On lui a dit. Lionel travaille dans les réseaux de la Résistance marseillaise.
Quand Suzelli Leenhardt, sa mère, se fait arrêter par la gestapo, on a peur que la police allemande fasse le lien avec son fils. Mamie est interpelée parce qu'elle a recueilli des lettres de la femme d'un pasteur. Le couple de pasteur sera envoyé dans les camp et n'en reviendra pas. Mais Mamie est libérée.
Francis, au péril de sa vie, a pris du galon dans les réseaux de résistance. Il devient délégué du Mouvement de libération national. En 1943, il doit organiser des comités de libération clandestins en zone sud. Puis il est chargé de fédérer les différents réseaux dans toutes la France. Un jour, il doit rencontrer un compagnon de la résistance dans une librairie. La date est prise. Le rendez vous est fixé dans une boutique du centre marseillais. On y trouve des étales de livres d'occasion que le client peut aisément feuilleter avant d'acheter. Le lieu est idéal pour discuter sans attirer l'attention. Mais le contact que Francis doit rencontrer a été arrêté. On trouve sur lui un agenda où il a noté son rendez vous avec Lionel. Si Francis se rend au rendez vous. Il subira le même sort. Un camarade l'apprend. Ne pouvant joindre Lionel directement pour le prévenir, il décide de se rendre lui-même à la libraire avant l'heure dite. Se faisant passer pour un client féru de vieux livres, il ère au milieu des étals en attendant l'arrivée de Lionel. Mais Lionel est en retard. La Gestapo est sur les lieux. L'homme se fait arrêté. Il sera emmené puis fusillé le lendemain. La police allemande était persuadée de détenir Lionel.
En janvier 1943, rafle du panier quartier nord.
Heureusement, Fanny est en Suisse. Elle a su s'exiler de Marseille au bon moment. Fanny est en zone neutre dans un centre pour enfant, en sécurité. Des nouvelles d'elle, on n'en a peu. La jeune fille continue d'envoyer des lettres de temps à autre à Suzelli, mais Vérène n'en sait rien.
Le livre et en cours d'écriture...